A CELLE QUI EST TROP GAIE
Ready Made and Mix Tech. on Wood, 25x35
À Celle qui est trop gaie
Ta tête, ton
geste, ton air
Sont beaux
comme un beau paysage;
Le rire joue
en ton visage
Comme un
vent frais dans un ciel clair.
Le passant
chagrin que tu frôles
Est ébloui
par la santé
Qui jaillit
comme une clarté
De tes bras
et de tes épaules.
Les
retentissantes couleurs
Dont tu
parsèmes tes toilettes
Jettent
dans l'esprit des poètes
L'image
d'un ballet de fleurs.
Ces robes
folles sont l'emblème
De ton
esprit bariolé;
Folle
dont je suis affolé,
Je te
hais autant que je t'aime!
Quelquefois
dans un beau jardin
Où je
traînais mon atonie,
J'ai senti,
comme une ironie,
Le soleil
déchirer mon sein,
Et le
printemps et la verdure
Ont tant
humilié mon coeur,
Que j'ai
puni sur une fleur
L'insolence
de la Nature.
Ainsi je
voudrais, une nuit,
Quand
l'heure des voluptés sonne,
Vers les
trésors de ta personne,
Comme un
lâche, ramper sans bruit,
Pour châtier
ta chair joyeuse,
Pour
meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à
ton flanc étonné
Une blessure
large et creuse,
Et,
vertigineuse douceur!
À travers
ces lèvres nouvelles,
Plus
éclatantes et plus belles,
T'infuser
mon venin, ma soeur!
[C. Baudelaire]
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